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MUSÉUM DE TOULOUSE

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Bambou gravé kanak, collections du muséum de Toulouse

Instruments de musique et magies : la flûte kanak

L’exposition Magies-sorcelleries ouvrira ses portes le 15 décembre 2020 au muséum de Toulouse. Nombreux sont les objets qui auraient pu y figurer, mais qui resteront en réserve pour avoir échoué au grand casting de la sélection muséographique. Le service Collections-Conservation se propose de vous présenter une série de courts focus autour de ces objets passionnants. Notre salon des “refusés” en somme.

La flûte en roseau hndor

La flûte de roseau a été l’instrument traditionnel le plus important en Nouvelle- Calédonie qui compte d’ailleurs peu d’instruments de musique différents. Les joueurs de flûte suivaient un apprentissage qui comprenait la technique de fabrication de l’instrument, ainsi que le répertoire des mélodies.1

Hndor est le nom de cette flûte en langue a’jië. Il est à noter que dans cette même langue, le mot hndor désigne également la conque d’appel. De forme légèrement recourbée, les flûtes hndor sont rarement décorées.

Flûte kanak, collections du muséum de Toulouse
Flûte hndor, Nouvelle-Calédonie, XIXe siècle, coll. muséum, ETH.AC.NC.155, photo. : Daniel Martin

Elles sont constituées d’une tige de roseau coupé vert pour faciliter la courbure pendant le séchage dans la case : une cordelette est tendue entre les deux extrémités pour arquer le roseau qui gardera cette forme une fois la corde enlevée. Une résine végétale est appliquée autour de chaque nœud pour les consolider. Deux ouvertures sont pratiquées dans la tige par brûlage : une embouchure à l’extrémité la plus épaisse et un trou de jeu à l’extrémité inférieure de la colonne d’air. La technique consiste à souffler dans l’embouchure d’un côté de la tige, le son pouvant être modulé à l’aide de l’index placé sur l’orifice à l’autre extrémité. Certains auteurs mentionnent que le flûtiste utiliserait parfois ses narines pour insuffler l’air, c’est pourquoi elle peut être appelée flûte nasale (Amman, 1997). Ce type de flûte permet de jouer sur une échelle de six notes harmoniques. La courbure permettrait l’obtention d’intervalles allant du demi-ton à la tierce majeure dans le but de s’accorder aux registres des chants et de jouer les mêmes intervalles.

Magie et agriculture

L’usage de la flûte en roseau hndor est mentionné plusieurs fois dans la littérature comme très importante pour la culture des ignames2 . La société kanak a d’ailleurs été qualifiée de « civilisation de l’igname » par de nombreux auteurs. En effet, la culture de ce tubercule est centrale car, au-delà de son rôle nutritif, l’igname joue un rôle majeur dans les échanges traditionnels (Boulay et al., 1990).

Le calendrier agricole de la culture de l’igname montre les relations établies entre ces moments d’activités agricoles et les activités religieuses qui y sont liées3 . Il existait d’ailleurs en Nouvelle-Calédonie une fonction de « maître des ignames » chargé des rites propitiatoires (autels, sacrifices, offrandes…) qui accompagnent chaque temps nouveau de la culture de l’igname. De manière générale, la culture de ce tubercule est entourée de savoirs techniques et magiques. Le savoir magique est matérialisé, par exemple, par des pierres de forme allongée rappelant la forme de l’igname et contenant la puissance magique d’un esprit défunt qu’on met en contact avec les petites boutures de tubercules au moment de la plantation. Dans ses Notes d’ethnologie néo-calédonienne, l’ethnologue Maurice Leenhardt expose un calendrier de la culture de l’igname dans lequel il fait apparaître les mois, la nature des travaux agricoles correspondants, les interdits imposés ou levés, ainsi que les rites magiques et les « jeux » qui y sont liés. Parmi ces « jeux », il cite à la fois les ricochets avec la sagaie, des jeux où le souffle agit et surtout, pour le sujet qui nous préoccupe ici, l’intervention de la flûte hndor.

Joueur de flûte, Dessin de A. de Neuville d'après une photographie
Homme kanak tenant une flûte hndor, publié dans Jules Garnier (1867/1990 : 20/54) « joueur de flûte ». Dessin de A. de Neuville

Dans ce calendrier, on peut lire les périodes auxquelles intervient la flûte : au mois d’août au moment des travaux de défrichage et d’incendie des champs et au mois de mars pour la fête des ignames nouvelles.

L’indigène […] en joue pendant des heures, surtout sur ses champs d’ignames, parce qu’il croit que leur son favorise la croissance des plantes.4

On retrouve ce genre de pratiques d’utilisation magique de flûtes pour les plantations notamment au Vanuatu sur l’île d’Ambrym ou aux îles Banks.

 RÉFÉRENCES

1. Raymond AMMAN , Danses et musiques kanak, 1997, Nouméa, Agence de développement de la culture kanak (A.D.C.K.)
2. Roger BOULAY, Emmanuel KASARHEROU, De jade et de nacre, Patrimoine artistique kanak, 1990, Catalogue de l’exposition au Musée National des Arts d’Afrique et d’Océanie, RMN, Paris.
3. Maurice LEENHARDT, Notes d’ethnologie néo-calédonienne, Travaux et mémoires de l’Institut d’Ethnologie – VIII, Paris, 1930.
4. Fritz SARASIN, Ethnographie des kanak de Nouvelle-Calédonie
et des îles Loyauté (1911-1912), 2009, Ibis Press, Paris.

 

Photo. d’en-tête : Bambou gravé kare e ta, photo. : Daniel Martin –  coll. muséum, MHNT.ETH.AC.NC.72