Les collectes de terrain du muséum
À des fins d’inventaire de la faune et de la flore ou d’enrichissement des collections, le muséum de Toulouse organise régulièrement des missions de terrain en botanique, entomologie et ethnographie.
LES COLLECTES BOTANIQUES
Au muséum, les collections de botanique sont réparties entre l’Herbarium et la Carpothèque. Ces deux types de collections, des plantes séchées pour l’une, des fruits et des graines secs pour l’autre, sont, en plus des dons, alimentées par des collectes sur le terrain.
Par exemple, dans le cadre de la réalisation de l’Herbier de la flore toulousaine qui comprend toutes les plantes spontanées sur la commune de Toulouse le protocole est le suivant : la plante est cueillie alors qu’elle est en fleurs et dans son plein développement végétatif. Il faut collecter tout ce qui permet de l’identifier : tiges, feuilles, fleurs et parfois fruits et même les racines. Ensuite la plante est préparée, elle est étalée encore fraîche entre deux feuilles de journaux de manière à ce que toutes les parties soient bien visibles. Enfin l’ensemble est mis sous presse au labo pendant au moins 3 mois en changeant les journaux les deux premières semaines pour que ceux-ci ne gardent pas une humidité néfaste à la plante. La plante peut alors être mise en herbier.
Pour la carpothèque le protocole est un peu différent : les fruits sont collectés au stade de maturité final si possible directement sur la plante ou au sol dans le cas d’un arbre.
Cette collecte au sol présente l'inconvénient d'avoir des fruits souvent dégradés ou infestés de parasites. En fonction de la taille et de l'abondance des fruits on en collecte au moins trois par individu de manière à pouvoir par la suite avoir suffisamment de matériel à disposition, à présenter dans le cadre d'une exposition par exemple.
Lors de la collecte il faut faire attention de préserver la morphologie du fruit et une fois rentré au labo, commencer par une désinfection au congélateur pour détruire insectes et champignons qui y seraient contenus. Ensuite les fruits sont mis à sécher au-dessus d'une source de chaleur de manière à éliminer la plus grosse quantité d'eau encore présente. Le spécimen peut alors être conditionné, étiquetté et rangé dans les compactus.
LES COLLECTES ENTOMOLOGIQUES
Les collections entomologiques du muséum, généralement stockées dans des boîtes entomologiques, englobent tous les arthropodes et présentent un fort intérêt patrimonial, notamment concernant les collections régionales. Elles sont parfois alimentées par des collectes de terrain.
Ces dernières années, entre sept-cents et huit-cents individus ont été collectés sur différents sites à Toulouse, dont les jardins de la Maourine à Borderouge. Différents ordres sont représentés : les hyménoptères, coléoptères, diptères, orthoptères, lépidoptères, odonates… Ces collectes permettent de recenser les espèces présentes sur le territoire. Ces inventaires permettent d’alimenter les bases de données naturalistes, d’avoir une vision globale de la biodiversité toulousaine, de montrer la grande diversité des arthropodes tout en sensibilisant les publics à la préservation du vivant.
LES COLLECTES ETHNOGRAPHIQUES
En 2003, une convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a été adoptée et définit les musées comme les principaux artisans de l’application de cette nouvelle convention. Ce précieux héritage englobe les langues, la littérature orale, l’artisanat,… et se compose de savoirs-faire et de connaissances dont le rapprochement avec les objets originaux confère à ces derniers toute leur dimension culturelle.
En ce sens, le muséum de Toulouse a mis en place dès 2010 des missions de terrain au Brésil, travail de collecte de productions matérielles et immatérielles contemporaines auprès de communautés amérindiennes du Brésil central. Ce travail de terrain est mené par le service Conservation et Collections du muséum et repose sur l’enquête ethnographique conduite autour des actions de revalorisation et de sauvegarde patrimoniale développées par six sociétés indigènes d’Amazonie brésilienne : les Iny Karaja, les Api’awa Tapirapé, les Yawalapiti, les Trumai, les Asurini du Xingu et les Mebêngôkre Gorotire (Kayapo).
À travers ce projet, le muséum participe en tant qu’acteur et médiateur au processus de « mise en patrimoine » d’éléments culturels, matériels et immatériels qui devient depuis plusieurs années l’un des moyens par lesquels les groupes amérindiens, englobés dans des entités politiques nationales, recherchent une visibilité et une reconnaissance dans un paysage social et politique global1. Les données collectées sur l’exploitation des ressources naturelles, les objets, récits et enregistrements autour de rituels et savoir-faire précis (rites de passage, funérailles, cures chamaniques, relation à l’au-delà,etc.) sont collectés pour constituer de nouveaux ensembles cohérents et permettent également de documenter les collections déjà conservées à Toulouse. Développer cette collaboration autour de la patrimonialisation des cultures amérindiennes a par conséquent permis de réinterroger nos collections anciennes, nos pratiques et de participer activement à la réflexion sur la constitution du patrimoine de demain en collaboration avec les experts des minorités.
Le Muséum devient ainsi le dépositaire et le passeur de ces patrimoines menacés, tant matériels qu’immatériels à travers la sauvegarde, la conservation et la valorisation d’un patrimoine vivant. On peut en effet considérer comme faisant partie des missions des muséums d’ancrer le travail de documentation et d’enrichissement des collections dans une réalité actuelle et contemporaine et de faire partager au public, de façon directe, les manières singulières de lien à leur environnement développées par les populations amérindiennes, à travers le tournage de films, l’enregistrement d’histoires anciennes, la fabrication d’objets, etc. À travers ce travail de collecte de terrain nous est apparue la variété de stratégies, réponses, résistances et résiliences des sociétés amérindiennes face aux changements culturels. La mise en place de cette collaboration directe avec les communautés de l’Amazonie brésilienne et les échanges durables qui en découlent nous ont permis de sortir d’une logique marchande et de cesser d’alimenter les spéculations dont les objets dits d’art premier font l’objet sur le marché de l’art. Ce projet a donc permis d’expérimenter et de développer une nouvelle méthode responsable d’enrichissement des collections, d’avoir une réflexion commune sur la patrimonialisation des cultures.
RÉFÉRENCES
1. « Pourquoi filmer sa culture ? Rituel et patrimonialisation en Amazonie brésilienne », Chloé Nahum-Claudel, Nathalie Petesh, Cédric Yvinec, Journal de la Société des Américanistes, 2017, 103-2
Photo. d’en-tête : Dessin Mebêngôkre (Kayapò), Brésil, peinture acrylique sur coton, mission de collecte 2016 – coll. muséum, MHNT.ETH.2017.2.47 (détail)