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Canis lupus, collections du muséum de Toulouse

Loup y es-tu ?

Exposition Magie et Loup des Pyrénées

Dans le cadre de l’exposition temporaire Magies – Sorcelleries du muséum de Toulouse (19/12/2020 – 02/01/2022), coproduite avec le musée des confluences de Lyon, un loup naturalisé a été présenté aux visiteurs. Il s’agit d’un des derniers loups autochtones des Pyrénées, abattu en 1861 aux Cabannes en Ariège. A ce titre, il appartient à la même sous-espèce de loup gris que celle que l’on retrouve des monts Cantabriques jusqu’en Sibérie : le Loup gris commun ou Loup d’Eurasie, Canis lupus lupus. Certains auteurs considèrent cependant que le Loup ibérique, endémique à cette péninsule, constitue une autre sous-espèce, Canis lupus signatus, qui serait caractérisée par une marque sombre située au niveau des pattes antérieures. Dans tous les cas, ce loup des Pyrénées n’appartient pas à la même sous-espèce que le loup d’Italie, Canis lupus italicus, qui a recolonisé naturellement, depuis le Mercantour, la chaîne pyrénéenne par les Pyrénées-Orientales à partir de 1999.

Loup qui es-tu ?

Le Loup gris est le plus grand canidé au monde.

Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Loup des Pyrénées naturalisé, Les Cabannes (Ariège), 1861, coll. muséum, exposition temporaire Magies - Sorcelleries. MHNT.CARN.120, photo. : Jacques Sierpinski

Il comprend 11 sous-espèces vivant sur les continents américains et eurasiatiques depuis plus de 200 000 ans. Son habitat privilégié correspond à la steppe et à la taïga, mais l’implantation humaine l’a obligé à chercher refuge dans les forêts tempérées des montagnes ou le grand Nord. Coureur de fond impressionnant, le loup peut parcourir 60 km en une nuit. Sa longueur peut aller jusqu’à 1,80 m pour 90 cm au garrot, et son poids peut atteindre 80 kg. Toutefois, suivant les sous-espèces, sa longueur n’excède généralement pas 1,60 m, pour 70 cm au garrot, et son poids 40 kg. Dotée de fortes canines, la mâchoire du loup est par ailleurs plus puissante que celle du chien. La domestication du loup pratiqué par l’homme en Eurasie il y a près de 20 000 ans (entre 15 000 et 30 000 ans) serait à l’origine des premiers chiens, dont la diversité des races produites jusqu’à aujourd’hui a été obtenu par sélection artificielle.

Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Loup des Pyrénées naturalisé, Les Cabannes (Ariège), 1861, coll. muséum, MHNT.CARN.120, photo. : Henri Cap
Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Loup des Pyrénées naturalisé, Les Cabannes (Ariège), 1861, coll. muséum, MHNT.CARN.120, photo. : Henri Cap

L’éradication et la recolonisation naturelle du Loup

Régulièrement pourchassé depuis le Moyen Âge, accusé de s’attaquer au bétail dans une Europe en majeure partie rurale et considéré comme nuisible, le loup disparaîtra peu à peu de France au début du XXème siècle. Dans les Pyrénées, il se serait éteint à la fin du XIXème siècle. Toutefois, la survivance de populations dans les monts Cantabriques en Espagne associée à la découverte en 1981 d’un squelette de loup à Oloron-Sainte-Marie pointe la présence de quelques individus erratiques postérieurs à cette période dans la région. Ce squelette non monté est aujourd’hui conservé au Muséum de Toulouse avec deux autres crânes de loup provenant des Pyrénées, ainsi qu’un squelette complet de loup mâle donné par Constant Redenbach en 1894, entièrement remonté par la Maison Deyrolles à Paris en 1895.

Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Squelette monté de loup mâle d'Eurasie, Aveyron, Don Redenbach, 1894, coll. muséum, MHNT.OST.2002.61, photo Henri Cap

Deux autres spécimens naturalisés de loup d’Eurasie sont également conservés au MHNT. Le premier, provenant de Norvège, a été acheté en 1870 à Baars de Bergen puis naturalisé par Victor Bonhenry. Il est aujourd’hui présenté dans l’espace Ordre du vivant de l’exposition permanente.

Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Loup mâle d'Eurasie, Norvège, 1870, coll. muséum, MHNT.CARN.2, photo : Pierre Dalous

Le second a été donné par les frères du pensionnat Saint-Joseph de Toulouse en 1872 et fut naturalisé en 1873. D’après les informations dont nous disposons, cette louve aurait été capturée en Aveyron alors qu’elle n’était qu’une jeune louvette, et aurait ensuite grandit en captivité au pensionnat Saint-Joseph de Toulouse. Cette histoire singulière pourrait expliquer sa naturalisation avec la gueule fermée, que l’on retrouve chez tous les chiens naturalisés conservés au MHNT. Elle tranche avec celle du loup sauvage des Pyrénées montrant ses crocs et dont le choix de la posture agressive est révélatrice du regard de l’époque sur la nature.

Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Loup des Pyrénées naturalisé, Les Cabannes (Ariège), 1861, coll. muséum, MHNT.CARN.120, photo. : Jacques Sierpinski
Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Louve d'Eurasie naturalisée, Aveyron (élevée ensuite au pensionnat Saint-Joseph de Toulouse), 1872, coll. muséum, MHNT.CARN.121, photo. : Pierre Dalous

En dépit de cette vision caricaturale qui fait écho à la persécution portée alors par l’espèce humaine contre cet autre grand prédateur, le loup a pu se maintenir dans plusieurs régions d’Europe, notamment en Italie. De ce foyer, passant par les Alpes, le loup réapparaît dans des territoires d’où il avait précédemment été éradiqué. Localisé dans le massif du Mercantour en 1992, entre Italie et France, sa présence est attestée en Occitanie depuis 1999. Un jeune spécimen de cette sous-espèce, retrouvé mort près de Millau en 2013 après avoir été percuté par une voiture, a été collecté par l’ONCFS (actuelle OFB) qui a transmis la dépouille au muséum de Toulouse. Il y a été naturalisé en 2016 par le taxidermiste Brian Aïello et son apprentie Agathe Bonno.

Canis lupus italicus, collections du muséum de Toulouse
Loup d'Italie, Millau, 2013, coll. muséum, MHNT.ZOO.2016.30.1, photo : Jean-Jacques Ader

Vie de meute, vie de loup

Vivant en meute d’une dizaine d’individus, le loup peut agir en groupe pour chasser des animaux plus gros que lui ou créer des diversions fatales dans un troupeau. Généralement sous la direction d’un couple dominant, le groupe se structure selon une hiérarchie très stricte aux nuances complexes, mais qui peut être décodée par certains signes, en observant par exemple les oreilles et le port de leur queue, ce qui permet aussi d’apprécier leur état d’âme du moment. Chaque meute comprend plusieurs adultes des deux sexes. La reproduction est normalement réservée au mâle et à la femelle alpha, surtout si les ressources en nourriture sont faibles. Le couple dominant reste uni jusqu’à la mort de l’un des deux partenaires. L’ensemble du groupe contribue aux soins des louveteaux.

Différents comportements assurent la cohésion du groupe. Les individus le composant se réunissent certains soirs pour hurler leur présence à l’intention d’autres meutes et marquer ainsi leur territoire. Au sein même du groupe, l’un des individus, le plus bas dans la hiérarchie, peut devenir un bouc-émissaire sur lequel se reportent les tensions du groupe. La régulation de ces tensions dans la meute ne va pas pour autant jusqu’à l’agression physique systématique : menaces et agressivité s’arrêtent au moindre signe de soumission.

Canis lupus, collections du muséum de Toulouse
Loup des Pyrénées naturalisé, Les Cabannes (Ariège), 1861, coll. muséum, MHNT.CARN.120, photo. : Henri Cap

Les mythologies du Loup

Le Loup est présent dans les mythologies américaines et eurasiatiques. Ce prédateur y inspire alternativement la crainte, à l’instar du grand méchant loup ou du lycanthrope moitié homme moitié loup, et l’admiration. Ainsi, sa technique de chasse et le soin apporté aux jeunes sont autant de qualités qui furent incarnées par la louve qui allaita Romulus et Remus, les fondateurs de Rome.

Dans les légendes nordiques, le loup évoque enfin les forces de la nature et leur libération. Ainsi lors de la bataille prophétique du Ragnarok où toutes les chaînes seront brisées, Fenrir, le loup géant, se libèrera de ses liens pour dévorer le dieu Odin.

L’enchaînement de Fenrir par les dieux nordiques, 1909, Dorothy Hardy  – Domaine public, Wikimedia commons

RÉFÉRENCES

· “Les Grands Musées d’Histoire Naturelle de Province, le Muséum de Toulouse”, Henri Vallois, La terre et la vie 1933, p 346-354.
· “Family Canidae”, Claudio Sillero-Zubiri (2009). In Wilson D.E & Mittermeier, R.A. eds (2009). Handbook of Mammals of the world. Vol. 1. Carnivores. Lynx edicions. Barcelona. p 352-447.
· “Le Loup gris”, Alain Bataille et Sandrine Longis. 2011. In Jacquot E. (coord), 2011. Atlas des Mammifères sauvages de Midi-Pyrénées – Livret 3- Carnivores. Coll. Atlas naturalistes de Midi-Pyrénées. Édition Nature Midi- Pyrénées. p22-25.
· “Last but not beast: the fall of the Alpine wolves told by historical DNA”. Christophe Dufresnes, Christian Miquel, Pierre Taberlet & Luca Fumagalli. 2019. Mammal Research Mars 2019. DOI : 10.1007/s13364-019-00426-5

Photo. d’en-tête : Tête de Loup des Pyrénées naturalisé, Canis lupus. Les Cabannes (Ariège), 1861, coll. muséum, MHNT.CARN.120, photo. : Henri Cap