La diaphanisation, une technique particulière de préparation
Article par Tiphaine Deterville et Marie-Françoise Carillo
Préparatrice naturalia / Préparatrice SDV-SDT au muséum de Toulouse
Un procédé de transparence
La diaphanisation est un mode de préparation qui consiste à teinter le squelette ou les cartilages d’un spécimen, généralement de petite taille, tout en rendant les muscles translucides. D’où le terme “diaphane”: qui laisse passer la lumière.
Recherches autour de la présentation anatomique
Les écorchés de Honoré Fragonard, que l’on peut découvrir à Maisons-Alfort, attestent d’une volonté déjà existante au XVIIIe siècle de trouver de nouvelles techniques de présentations anatomiques animales ou humaines.
À la fin du XIXe siècle, en Allemagne, le Dr Oskar Schultze (1859-1920)1 , professeur en anatomie à l’université de Würburg en Allemagne, met en place une technique pour rendre la peau diaphane. Étudie par différents scientifiques, le procédé a fait l’objet de recherches et d’améliorations pendant plusieurs décennies. La méthode appliquée aujourd’hui a été élaborée en 1977 par Guideau Dingerkus, ichtyologiste américain et le professeur en biologie, Lowell D. Uhler. Elle permet d’étudier l’anatomie sans endommager les petits spécimens lors de la dissection.
Les collections du muséum
En 2008, le chantier des collections en fluides du muséum permet de découvrir trois fioles contenant des euproctes des Pyrénées (Calotriton asper) diaphanisés. Ils proviennent d’un don datant des années 1990, de Mme Monique Clergue-Gazeau2 , chercheuse en entomologie et herpétologie. Ces spécimens présentent un intérêt muséographique majeur et l’un d’eux est sélectionné pour l’exposition permanente du musée.
En octobre 2019, la volonté d’enrichir les collections, de proposer de nouvelles présentations et d’acquérir un nouveau savoir-faire motivent un travail collaboratif avec Tiphaine Deterville. Ancienne apprentie taxidermiste au muséum de Toulouse et diplômée en 2014, elle s’est formée par la suite à diverses techniques de préparations, dont la diaphanisation. Plusieurs échantillons sont préparés : oiseaux, rongeurs, reptiles et amphibiens.
Mise en pratique et difficultés rencontrées
Pour arriver à ce résultat surprenant, on commence par extraire la peau du spécimen ainsi que tous les organes qui peuvent nuire à la lecture du squelette et des cartilages . S’en suivent différents bains de produits chimiques.
Dans un premier temps, on fixe le spécimen avec du formol sous une hotte aspirante. On le plonge ensuite dans un bain à base de bleu alcian, un colorant d’origine synthétique utilisé généralement en médecine qui sert à la coloration des cartilages. Pour obtenir l’aspect diaphane, on utilise de la trypsine, une enzyme que l’on retrouve dans le suc pancréatique qui participe à la digestion des protéines. Enfin, pour la coloration des os on utilise du rouge alizarine, un colorant d’origine végétale présent dans les racines d’une plante: la Garance des teinturiers (Rubia tinctorum).
Comme souvent pour la préparation de spécimens de petite taille, ces grenouilles vertes présentent des difficultés. La peau est très fine et les extrémités fragiles, il est important d’être précis afin de ne pas sectionner les phalanges. Pour les colorations, on voit en comparant les deux spécimens à quel point le dosage du pigment et le temps d’immersion dans le bain influent sur le rendu.Le spécimen est ensuite plongé dans un liquide de conservation à base de glycérine végétale. Liquide qui ne présente aucun risque toxicologique, ou contre indication pour de l’exposition aux publics.
On observe que sa nature visqueuse favorise l’apparition de bulles d’air qu’il est nécessaire de chasser manuellement, car même en s’aidant d’une chambre à vide d’air, il en reste toujours quelques unes piégées dans les tissus.
Si, au terme de la préparation, on constate une certaine opacité des tissus liée à une mauvaise évaluation du temps de digestion des muscles, une coloration trop pâle ou une coloration jaunâtre du liquide conservateur liée à une mauvaise extraction des organes, ce n’est pas irrémédiable. Il est possible de revenir distinctement sur chaque étape du protocole.
Dans un un souci esthétique, on fixe le spécimen avec du fil de nylon sur une plaque transparente perforée, en verre ou en polyméthacrylate de méthyle (plus connu sous son nom commercial de Plexiglas). Peu coûteux et moins fragile, notre choix s’est porté sur ce dernier après s’être assuré qu’il n’y ait pas de réaction chimique avec le liquide de conservation, comme c’est le cas pour le phenox2yéthanol.
À quelle occasion les découvrir ?
Outre le spécimen présenté dans l’exposition permanente, une exposition prévue en 2022 sur la thématique de la momification permettra aux visiteurs de voir les spécimens diaphanisés réalisés récemment.
NOTES ET RÉFÉRENCES
Photo. d’en-tête : Description : Plusieurs spécimens préparés en glycérine – coll. muséum, photo. : Marie-Françoise Carillo